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Queqlues extraits de
"Gipsy"


  

  

Rodolphe

  

  

GIPSY

  

  

Avec la participation (active) des classes de France Tremblay (Québec), Dominique Bussien (Genève), Jacques Fragnière (Belfaux), Jacqueline Despont (Belfaux), Vincent Gremaud (Ponthaux), Françoise Sallin (Barberêche), Anne Perréaz (Lausanne), Raymond Jeanneret (Veyrier), Catherine Pellaton et Claude Freymond (Onex), Murielle Stroelé Morel et Betty Riedweg (Versoix).

 

* * * * *

 

"Toc toc toc""
Le directeur poussa la porte et entra dans la classe. A ses côtés s'avançait un garçon d'une dizaine d'années, la tête un peu basse, le regard caché par une grande mèche noire.
Toute la classe se leva et Mademoiselle Hirondelle, l'institutrice, fit de même.
- Un nouvel arrivant! fit Monsieur Lemaire, le directeur. Il faudra lui faire une petite place parmi vous!
Il glissa encore quelques mots à l'oreille de sa collègue puis repartit.
La classe se rassit.
- Eh bien, fit Mademoiselle Hirondelle à l'enfant, où allons-nous pouvoir t'installer? Tiens, là-bas, à côté de Sophie.
C'est la fille rousse avec des taches de rousseur. Tu la vois?
Il traversa l'allée et se glissa à la place désignée. Toute la classe l'observait.
- Drôle de type! chuchota Max, dans le fond de la classe, à son voisin Ralph.
- Ouais! il a la peau noire comme s'il s'était pas lavé pendant quinze jours!
- Et les cheveux, encore plus longtemps! pouffa Max.
Mais Mademoiselle Hirondelle demanda le silence et le cours reprit.
...
- Tu viens d'où? interrogea la fillette.
Il répondit sans remuer les lèvres:
- De partout et nulle part. Mes parents sont des "gens du voyage". Des gitans. Tu connais?
- Euh...Oui! mentit-elle.
Il y eut un silence puis elle ajouta:
- Comment tu t'appelles?
- Mon nom est trop compliqué. Dis simplement Gipsy.
...
Dehors, dans la cour, les élèves jouaient ou bavardaient. Ralph et Max, un peu à l'écart, avaient été rejoints par deux autres garçons et ils échangeaient des cartes magiques. Sous le préau, un groupe de filles riait. Parfois l'une d'elles jetait un coup d'oeil rapide vers Gipsy, et celui-ci avait alors l'impression que c'était bien de lui dont on se moquait. Il est vrai que le nouvel arrivant n'avait pas grande allure: ses vêtements ne portaient guère d'étiquettes de marques recherchées, son blouson était râpé, son pantalon taché aux genoux, et ses chaussures maculées de traces de boue...
Léo, le grand ami de Sophie vint néanmoins vers lui et lui tendit la main:
- Salut, moi c'est Léo. Et toi?
- Gipsy, marmonna le nouvel arrivant, tout en jetant un regard circulaire sur les platanes et le préau de la petite cours.
- La fille à côté de qui j'étais en classe, elle ne vient pas?
- Sophie? Tiens, c'est vrai... Peut-être que Mademoiselle Hirondelle lui a demandé un service?
Gipsy ressombra dans le mutisme et Léo, gêné par son silence finit par s'éclipser. Le nouveau venu s'approcha alors de Ralph et de ses amis: à quoi pouvaient-ils bien jouer? Quelles étaient ces images colorées qui passaient de mains en mains?
Le groupe de garçons continuait ses échanges de cartes.
Gipsy s'approcha d'eux plus encore, glissant sa tête entre les blousons pour observer leur jeu de plus près.
- Tiens? interrogea Ralph, vous ne trouvez pas que ça sent bizarre tout à coup?
Et Max renchérit:

- Si, tu as raison! Ça sent le mal lavé!
Mais Gipsy n'avait pas compris la méchanceté. Il demanda:
- Qu'est-ce que c'est, ces cartes? Je peux jouer avec vous?
Ce fut l'un des deux autres qui lui répondit:
- C'est des cartes magiques! Les 4 éléments, tu connais? Si tu veux jouer avec nous, pas de problème! ...Si tu as des cartes, bien sûr.
Il dut convenir qu'il n'en avait pas. Le jeu reprit entre les garçons et Gipsy s'éloigna.
- Tiens, vous avez remarqué que ça sent meilleur? fit Max.
...
Gipsy était arrivé en ville, la semaine précédente, avec un ensemble de caravanes d'autres gitans. Ils descendaient de l'Allemagne en direction des Saintes-Maries-de-la-Mer où a lieu, tous les ans, un grand pèlerinage en l'honneur de la Vierge Noire.
Le maire de la ville leur avait autorisé un stationnement dans un terrain à la limite de l'agglomération, près de la zone industrielle. Les parents de Gipsy avaient installé là leur caravane, en bas du vallon, près d'un petit ruisseau.
Pour une caravane, c'était une belle et grande caravane, mais pour une maison, elle était minuscule. Faute d'avoir une chambre à lui, Gipsy devait faire ses devoirs sur le coin de la table où l'on déjeunait, et il dormait, de l'autre côté de la même table, sur le siège-couchette contre la cloison.
Hormis cette pièce principale, la caravane comportait à son arrière, une toute petite chambre pour les parents et un coin toilette encore plus réduit. Enfin, sur le devant, se situait ce que la mère de Gipsy appelait son cabinet: une petite cabine tapissée de velours rouge, dans laquelle elle recevait les personnes voulant connaître leur avenir. Car elle était diseuse de bonne aventure, sorcière pour les uns, magicienne pour les autres, affabulatrice encore pour d'autres...
Gipsy n'aimait pas trop entrer dans son cabinet. L'endroit lui faisait un peu peur. Il y avait là, suspendu contre un mur, une chouette empaillée, des cartes du ciel, des amulettes et des grimoires anciens serrés les uns contre les autres sur une étagère. Et en dessous, sur la petite table, des jeux de tarots anciens, des poudres étranges et une boule de cristal recouverte d'un voile...
Etait-il possible qu'une mère versée comme elle dans la magie soit insensible à l'attrait du merveilleux jeux des "4 Eléments"?
...
Quand sonna la récréation, il sortit précautionneusement un petit paquet de la poche de son blouson.
- Qu'est-ce que c'est? interrogèrent Sophie et Léo, des cartes?
Flatté de leur l'intérêt, Gipsy leur montra ce qu'il tenait en main:
- Oui, des cartes! Mais de vraies cartes magiques, celles-là! Bien mieux que "Les 4 éléments"!

- Vous voulez que je vous en prête, ajouta-t-il?
Et comme Léo et Sophie acquiesçaient:
- Tiens. Prends celle-là. Et toi celle-ci."
Les cartes représentaient pour l'une un moissonneur coupant des épis d'or, pour l'autre, un gentilhomme à la chasse, un faucon à son poing.
- Vous me les redonnerez tout à l'heure, hein? On me les as prêtées, il faudra que je les rende ce soir.
Gipsy en distribua ainsi un certain nombre aux enfants de sa classe. Bien sûr son manège n'avait pas manqué d'intriguer Ralph, Carole et leurs amis.
- Qu'est-ce que c'est que ces cartes?, interrogea Ralph.
- J'en sais rien, avoua Max.
Carole vint trouver Gipsy et se fit tout sourire:
- Alors? Toi aussi tu as des cartes magiques? On peut les voir?
Ralph et ses amis avaient rejoint Carole. Tous se penchaient vers les cartes de Gipsy.
- C'est vrai qu'elles sont belles! reconnut l'un.
- Ouais, admit Ralph. Peut-être pas aussi belles que les "4 éléments", mais pas mal! Tu fais des échanges?
- D'accord. Mais juste pour la journée. Ce soir, je dois les redonner...
...
Les jours passaient et Gipsy désespérait de ne jamais récupérer les pièces manquantes au tarot de sa mère. Lui aussi commençait également à douter qu'elles aient quelque pouvoir particulier et que le sort jeté par sa mère ne soit bien sérieux!
Pourtant il se passa certaines choses. Tout d'abord, ce fut Carole qui vit son nez, puis son front et ses joues se couvrirent de petits boutons. Roses tout d'abord, ils gonflèrent, enflèrent et s'ornèrent de pointes blanches ou vert pâle parfaitement dégouttantes! Carole qui tenait beaucoup à se montrer coquette et à plaire fut horrifiée! Elle emprunta à sa mère mille lotions et produits de soin, mais rien n'y fit, et elle dut s'en tenir à dissimuler sa honte sous des foulards ou de grandes écharpes qu'elle s'enroulait autour du cou et du visage...
Max lui, se vit soudainement grossir. Certes, il avait, en grand amateur qu'il était de hamburgers, hot-dogs et autres délicatesses, une certaine tendance à la rondeur, mais là il vira franchement à l'obésité: son cou enfla, ses joues devinrent replètes et roses comme celles du cochon, ses bras ressemblèrent à des saucisses et son ventre à une baudruche!
...
L'ensemble de la classe était catastrophé. Leur camarade allait mourir et personne n'y pouvait rien changer.
En compagnie de Carole, Max s'était lui aussi rendu chez les parents de son ami, mais ceux-ci ne l'avaient pas laissé entrer: "Ralph est trop faible. Il a de la fièvre. Il ne faut pas le déranger."
En vain, avaient-ils essayé de parler de la carte qu'il détenait. La porte s'était refermée sur eux comme quelques jours plus tôt sur la mère de Gipsy.
L'état de Ralph visiblement continuait à empirer. On apprit bientôt qu'il avait été emmené en ambulance dans une clinique...
Gipsy sans cesse sollicitait sa mère:
- Je t'en supplie: il faut faire quelque chose!
...
Ralph quitta la clinique le surlendemain et reprit sa place dans la classe dès la semaine suivante. Bien sûr, il était encore bien maigre et bien pâle, mais sa fièvre avait disparu et il reprenait chaque jour d'avantage de forces.
L'expérience qu'il avait vécue n'avait pas fait que le fatiguer, elle l'avait aussi modifié. Son attitude envers les autres avait changé. Finis les mots méchants, et l'ironie qui blesse. D'un coup, il se sentait plus simple, plus proche de chacun de ses camarades.
Il aborda Gipsy lors d'une récréation:
- Tu sais, on m'a raconté de drôles de trucs à ton sujet... Ce serait grâce à toi que j'aurais guéri?
...